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31 Mai 2023
Lundi c'est "jurisprudence" mais jeudi c'est raviolis ... (ma vie est un long fleuve tranquille).
C.A.A. Douai, 15 décembre 2022, n° 21DA02763
Un enseignant demandait l’annulation de la décision par laquelle le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse lui avait infligé une sanction d’exclusion temporaire de fonctions d’une durée de deux ans assortie d’un sursis de six mois pour avoir eu des propos, des gestes ainsi que des comportements déplacés à l’endroit de ses élèves de sexe féminin en séance d’éducation physique et sportive.
Selon le requérant, ses droits de la défense avaient été méconnus dès lors que les témoignages établis à son encontre avaient été anonymisés.
Si l’article L. 532-4 du code général de la fonction publique consacre pour le fonctionnaire, dans le cadre d’une procédure disciplinaire, un droit à la communication de l’intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes, ce droit trouve une limite lorsque la communication des procès-verbaux est de nature à porter gravement préjudice aux personnes qui ont témoigné.
La cour a écarté le moyen en estimant qu’eu égard au jeune âge des lycéennes qui avaient témoigné, l'administration avait pu légalement estimer que la communication de ces témoignages avec le nom de leurs auteures était de nature à porter gravement préjudice à celles-ci. En soulignant par ailleurs que l’ensemble des pièces communiquées au requérant était très circonstanciés, quand bien même les 37 témoignages écrits d'élèves mineures avaient été anonymisés, la cour a estimé que le requérant avait été mis en mesure de préparer utilement sa défense.
Cet arrêt s’inscrit dans la jurisprudence constante du Conseil d’État estimant que l’anonymisation des témoignages recueillis dans le cadre d’une procédure disciplinaire (...) n’est pas susceptible de méconnaître par elle-même les droits de la défense dès lors qu’ils ont été soumis au débat contradictoire et que leur teneur est confortée par des éléments non anonymisés versés au dossier (C.E., 9 octobre 2020, n° 425459, aux tables du Recueil Lebon).
Note du Perdir Enragé : C'est le recueil des décisions du Conseil d’État, statuant au contentieux, et du Tribunal des conflits, des arrêts des cours administratives d'appel et des jugements des tribunaux administratifs. Pour faire court c'est le B.O des décisions de la justice administrative !
Il en va de même si les documents anonymisés fondant la procédure disciplinaire présentent un caractère suffisamment précis et circonstancié pour permettre (...) d’en discuter utilement la teneur (cf. C.A.A. Bordeaux, 8 mars 2010, n° 09BX01078 ; C.A.A. Douai, 17 août 2017, n° 15DA01807 ; C.A.A. Nantes, 3 décembre 2021, n° 20NT02591). LIJ N°224
L'action disciplinaire était ici dirigée contre un Professeur, certes. Mais les conclusions de la C.A.A (Cour administrative d'appel) s'appliquent à toutes les procédures disciplinaires de la fonction publique et notamment aux conseils de discipline des élèves. Ainsi, et de façon permanente, le recueil de témoignages anonymisés est reçu comme éléments de preuve, dès lors que ces témoignages ont été reçus par un agent ayant autorité et que ce dernier les a attestés. Ils doivent être portés de façon anonymisée dans le dossier établi par le chef d'établissement et soumis à l'élève mis en cause, sachant ne l'oublions pas, que l'examen du dossier d'un conseil de discipline repose sur des "faits" et non sur la "qualité des personnes" d'où la reconnaissance des "faits rapportés et recueillis de façon anonymisée".
Les notions de "faits" comme celles des personnes restent importantes. Ainsi, et je fais partie des gens qui contestent ces pratiques, il n'y a aucun intérêt, voire même cela pourrait altérer la décision en contestant l'impartialité du conseil de discipline, d'y inviter (ce qui est éventuellement de la compétence du Président des conseils à savoir le chef d'établissement) infirmières, conseillères d'orientation et (!) psychologues scolaires notamment dès lors qu'elles ou ils, ne viendraient pas pour amener des éclairages "directs" sur des "faits" précis relatifs constitutifs aux dits conseils.
Les textes officiels, en la matière, sont clairs et précis : qui convoquer ? (outre bien entendu les membres de droit constitutifs du conseil de discipline). "toute personne susceptible d’éclairer le conseil de discipline sur les faits qui motivent la comparution de l’élève." in https://www.ih2ef.gouv.fr/conseil-de-discipline
"Les personnels qualifiés pour être "invitées aux conseils de discipline" :
Le conseil de discipline peut entendre, en tant que de besoin, des personnels qualifiés, susceptibles d’éclairer ses travaux : directeur(rice) adjoint(e) de section d’enseignement général et professionnel adapté (SEGPA), assistant(e) social(e), infirmier(ère), médecin, conseiller(ère) d’orientation psychologue (COP), représentant(e) de la commune ou de la collectivité de rattachement ...
La convocation de ces personnels qualifiés est laissée à l’appréciation du chef d’établissement, leur présence étant conditionnée par leur implication plus ou moins directe avec les faits ayant entraîné la convocation du conseil de discipline." Ainsi la jurisprudence fait une différence entre "les faits" et "les personnes". Les personnes énumérées ici sont "entendues" non par leur "qualité" mais parce qu'elles seraient impliquées avec les faits qui ont ...".
Dans un contexte d'inflation de décisions d'exclusion dont la légitimité est parfois contestée, la principale fédération de parents d'élèves – la FCPE - a lancé depuis de nombreuses années le débat sur l' ''impartialité'' des conseils de discipline. Elle n'hésite pas, en temps que Fédération, à assister les parents et à se porter à leurs côtés devant la justice administrative.
Il appartient sur ce point, aux chefs d'établissement, d'être attentifs et scrupuleux, sur les "personnes invitées" lors des conseils de discipline, au risque d'entacher "d'impartialité" les décisions qui y seraient prises.
Le principe d'impartialité est un principe à valeur constitutionnelle ...
Le Conseil Constitutionnel a posé pour principe que toute autorité administrative est tenue d’observer une attitude impartiale (CC 28/07/1989 n° 89-260 ).
Ainsi l’extension par le Conseil d’État du principe d’impartialité aux conseils de discipline en a fait un principe général du droit. (André Icard avocat spécialiste du droit en matière disciplinaire).